Recruter un dirigeant déjà en poste représente l’un des défis les plus complexes en matière de recrutement, notamment pour les chasseurs de têtes spécialisés sur les profils cadres supérieurs. Il ne s’agit pas de publier une offre ni d’attendre des candidatures spontanées. Ici, tout repose sur une approche directe, personnalisée, construite dans le respect du parcours du dirigeant et alignée avec ses aspirations profondes.
L’objectif n’est pas simplement de vendre un poste, mais de proposer un projet de carrière à fort impact, en phase avec les valeurs et la vision du candidat.
Comprendre le profil et les motivations d’un dirigeant en poste
Un dirigeant en fonction n’est pas en recherche active. Il est en général bien rémunéré, en confiance dans son environnement, et impliqué dans une dynamique stratégique de long terme. Il n’a donc pas d’intérêt immédiat à écouter une nouvelle proposition, sauf si celle-ci répond à une motivation forte, souvent plus qualitative que quantitative.
Avant même d’entrer en contact, il est essentiel d’analyser son parcours, ses cycles professionnels, ses réalisations récentes et les signaux faibles qui pourraient indiquer une volonté de changement. Un dirigeant qui vient de finaliser une levée de fonds, une réorganisation ou la revente d’une entité, peut être en phase de réflexion sur la suite.
C’est pourquoi le timing est important. Intervenir au bon moment peut faire toute la différence. Certains signaux doivent être observés, comme la baisse d’exposition médiatique, l’évolution de l’actionnariat, le départ de proches collaborateurs ou tout simplement fin de mandat ou lassitude exprimée en off.
Au-delà des compétences, ce sont les motivations profondes qu’il faut cerner. Un besoin de sens, une envie de transformation, un désir de transmettre, une quête d’impact sociétal ou encore une aspiration à rejoindre une aventure entrepreneuriale.
Soigner l’approche initiale : subtilité, crédibilité et pertinence
Dans la chasse de dirigeants, la première approche est décisive. Elle doit être construite, personnalisée et cohérente. Un dirigeant expérimenté identifie immédiatement une démarche opportuniste d’un vrai projet de carrière.
Le premier contact ne doit pas chercher à convaincre, mais à ouvrir un dialogue. Il faut éviter toute formule générique ou trop vendeuse et privilégier un message confidentiel, argumenté, qui met en lumière des points de convergence entre le projet et le profil du dirigeant.
Le discours doit s’articuler autour d’un projet global, pas seulement d’un intitulé de poste ou d’un package salarial. Il faut donner à voir une vision, une gouvernance, un enjeu stratégique clair dans lequel le dirigeant pourrait avoir un rôle moteur.
La connaissance de l’écosystème du dirigeant est également un levier fort. Connaître les spécificités de son secteur, les tendances du marché, les mouvements récents dans son entreprise ou les performances publiques permet d’adapter finement l’argumentaire.
Enfin, la posture du chasseur de têtes doit être à la fois discrète, crédible et rassurante. Il s’agit d’un échange entre professionnels de haut niveau, non d’un simple recrutement transactionnel.
Construire une proposition de valeur irrésistible
Une fois l’intérêt initial du dirigeant suscité, il convient de formuler une proposition de valeur claire, différenciante et cohérente avec son profil. Elle doit répondre aux grandes questions qu’un dirigeant se pose : quelle est la mission exacte ? Quelle est ma marge de manœuvre ? Quelle est la vision de l’entreprise ? Quels sont les moyens à ma disposition ? Qui sont les actionnaires ? Quelles sont les perspectives à 3 ou 5 ans ?
Les éléments purement financiers sont rarement le facteur déclencheur. En revanche, le pouvoir d’impact, la capacité d’influencer la stratégie, la gouvernance et la culture d’entreprise jouent un rôle déterminant.
Il est également important d’aborder les questions liées au sens. Le dirigeant doit pouvoir se projeter dans une entreprise qui partage ses valeurs. La démarche RSE, les engagements sociaux, l’impact environnemental ou le positionnement de l’entreprise sur des sujets sociétaux peuvent constituer des éléments différenciants majeurs.
Enfin, les perspectives d’évolution doivent être claires. Un dirigeant qui quitte un poste stable n’acceptera qu’à condition de voir une suite possible à moyen terme (participation au capital, internationalisation, direction générale à horizon défini).
Lever les freins et accompagner la réflexion
Même convaincu par le fond du projet, un dirigeant en poste hésitera naturellement à quitter une entreprise dans laquelle il est engagé. La fidélité à ses équipes, la crainte de l’échec, la pression familiale ou la peur de déstabiliser sa trajectoire peuvent constituer des freins psychologiques importants.
Le rôle du recruteur est alors d’accompagner la réflexion avec tact. Cela implique de traiter les objections sans les forcer, de proposer des mises en relation avec les équipes dirigeantes, de permettre au dirigeant de poser toutes ses questions et de l’aider à projeter son impact dans sa future mission.
Certains profils souhaiteront rencontrer les investisseurs, visiter le site, consulter la stratégie à trois ans, échanger avec des membres du board. Il est donc important que l’entreprise recruteuse soit aussi prête à s’engager dans une démarche transparente, structurée et ouverte.
Le process doit être progressif, maîtrisé, sans précipitation mais avec une réelle capacité à créer une relation de confiance. Plus qu’un entretien, chaque échange doit permettre d’avancer dans la construction d’un projet partagé.
Convaincre un dirigeant en poste de changer de cap ne s’improvise pas. Cela demande une connaissance fine des dynamiques de pouvoir, des parcours d’élite, des aspirations personnelles et des enjeux business.
C’est pourquoi le rôle du chasseur de têtes est central dans cette démarche. Il agit comme un médiateur stratégique, capable de comprendre les attentes des deux parties, de garantir la confidentialité des échanges et de poser les bases d’une collaboration solide.
Plus qu’un simple recrutement, approcher un cadre dirigeant est une rencontre entre deux visions, deux ambitions. Si elle est bien orchestrée, cette rencontre peut donner naissance à un leadership fort, durable et porteur de transformation.